Avec l’importance des ressources qui sont à sa disposition (recettes des impôts), l’État a souvent la tentation d’agir directement sur certains domaines de l’activité économique. Mais c’est seulement au XXe siècle que l’utilisation systématique des composantes du budget de l’État a donné naissance à la politique budgétaire.
1. Les caractéristiques de la politiques budgétaire
1.1 A quoi sert la politique budgétaire ?
La politique budgétaire est une politique économique qui consiste à utiliser le budget de l’État pour atteindre certains objectifs. Autrefois, le budget de l’État ne jouait pas de rôle économique. Il servait seulement à procurer des ressources à l’État afin d’assurer le bon fonctionnement des administrations. C’est seulement à partir de la crise des années 30 que les autorités économiques ont commencé à considérer le budget, ses dépenses et ses recettes, comme un instrument de politique économique. Les analyses de l’économiste anglais John M. Keynes ont donné une justification théorique à cette idée en montrant que l’utilisation du budget pouvait influencer la demande des agents économiques (consommation des ménages, investissements des entreprises). Le budget de l’État peut donc être utilisé dans le cadre d’une politique de régulation de la conjoncture. Mais il ne faut pas oublier que cette régulation peut jouer dans les deux sens : dans un sens expansionniste lorsque l’on cherche à soutenir ou à favoriser l’activité économique (situations où le chômage est important) ou dans un sens restrictif lorsque l’on cherche à réduire la demande des agents économiques (situations inflationnistes ou déficits extérieurs importants).
1.2 En quoi consiste la politique budgétaire ?
La gamme des instruments de la politique budgétaire est très large car le budget de l’État regroupe une multitude de ressources et de dépenses possibles. Mais le principal instrument consiste à pratiquer un déficit budgétaire en prévoyant un montant de dépenses publiques largement supérieur aux ressources prélevées sur les agents économiques.
1.2.1 Dépenses et recettes
Avec les dépenses publiques qu’il effectue, l’État verse des res sources monétaires aux différents agents économiques. Une augmentation des dépenses publiques accroît le montant de ces ressources et stimule la dépense des agents. Les dépenses publiques sont de natures diverses. Il peut s’agir d’abord des rémunérations des fonctionnaires ; ainsi, l’État qui embauche de nouveaux fonctionnaires favorise l’emploi et la consommation des ménages lorsque le chômage sévit. Les aides aux entreprises constituent un deuxième grand type de dépenses destinées à favoriser l’activité ; ce sont par exemple les subventions (dons) ou les bonifications d’intérêt grâce auxquelles la banque accorde des taux d’intérêt moins élevés que ceux du marché avec une aide de l’État qui comble la différence. Le budget de l’État contribue aussi à soutenir la demande grâce aux dépenses d’infrastructure (transports, autoroutes, par exemple, afin de soutenir l’industrie du bâti ment et des travaux publics) ainsi que par l’intermédiaire de sa propre activité productive (entreprises publiques qui, par exemple, investissent massivement lorsque le secteur privé ne le fait pas). Depuis le début des années 80, la politique budgétaire passe aussi par les recettes de l’État. En effet, une diminution de ces recettes, par exemple une réduction d’impôts, favorise la demande des agents économiques. Ainsi, une réduction de l’impôt sur le revenu stimule la consommation des ménages tandis que la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés ou certains dégrèvements fiscaux (ce sont des remises d’impôts qui réduisent le montant versé) favorisent l’activité des entreprises (embauches, investissements).
1.2.2 Le déficit budgétaire
Un déficit budgétaire a indéniablement un effet stimulant sur l’activité car l’Etat dépense davantage qu’il ne prélève. Pendant longtemps a régné le dogme de l’équilibre budgétaire selon lequel tout déficit public était a priori condamnable. Dès qu’une telle situation se présentait, lorsque les prévisions de dépenses et de recettes ne se réalisaient pas (conjoncture défavorable par exemple), les pouvoirs publics devaient tout mettre en œuvre pour rétablir l’équilibre budgétaire. Avec la théorie keynésienne, ce dogme fut contesté car Keynes démontrait les effets bénéfiques d’un déficit. Grâce aux dépenses publiques supplémentaires permises par ce déficit, l’activité économique se développait et les nouvelles richesses produites permettaient alors de combler le déficit, car le surcroît de richesses créait des ressources fiscales nouvelles. Remarquons, enfin, que les instruments budgétaires peuvent servir dans les deux directions. Ainsi, dans les années 80, la politique budgétaire a plutôt été utilisée dans un sens restrictif; cette rigueur budgétaire s’est traduite notamment par une stabilisation des dépenses, voire des baisses dans certains domaines (infrastructures par exemple dans les pays anglo-saxons), ainsi que par une réduction des déficits budgétaires. La situation du solde budgétaire et, plus encore, l’évolution de ce solde d’une année sur l’autre montrent l’orientation des politiques budgétaires suivies.
2 . Les effets de la politique budgétaire
2.1 Les effets positifs de la politique budgétaire
Comment expliquer l’efficacité du budget sur l’activité économique ? Comment une augmentation des dépenses ou l’acceptation d’un déficit peuvent-elles conduire à une plus forte croissance de la production nationale ? L’effet positif du budget correspond au mécanisme du multiplicateur développé par Keynes. Les dépenses publiques représentant une composante de la demande globale (avec la consommation, l’investissement et les exportations), une augmentation de ces dépenses produit, grâce au mécanisme en chaîne du multiplicateur, un accroissement plus important de la production nationale. Imaginons qu’un gouvernement décide d’accepter un déficit budgétaire de 10 milliards d’euros et emprunte cette somme à des épargnants étrangers. Grâce au multiplicateur, ces dépenses nouvelles vont induire une augmentation de la production de 40 milliards d’ euros (par exemple). Il sera donc possible de rembourser l’emprunt tandis que la production nationale se sera accrue (de 30 milliards). Le budget sera de nouveau en équilibre, mais de nouveaux emplois auront été créés. Ces mécanismes jouent favorablement dans deux circonstances différentes, lorsque le déficit est provoqué volontairement par la politique économique (on parle de déficit structurel) et lorsque le déficit résulte uniquement de l’évolution de la conjoncture économique (déficit conjoncturel, lorsque par exemple, une faible activité économique réduit le recettes fiscales attendues). Lorsque le déficit est lié à la seule conjoncture, le mécanisme du multiplicateur peut même provoquer un retour automatique à l’équilibre budgétaire. Cet enchaînement économique, qui a reçu le nom de “stabilisateur automatique”, est le suivant : une récession ou une baisse de l’activité provoquent de moindres recettes fiscales (ayant moins de revenus, les agents versent moins d’impôts) ; cette baisse des impôts soutient et stimule la demande des ménages et des entreprises, ce qui permet ensuite de rééquilibrer le budget (les impôts augmentent). Le même mécanisme peut jouer en sens inverse, dans le cas d’une surchauffe de l’activité, lorsqu’une demande trop vigoureuse risque de provoquer une inflation ou un déficit extérieur : Surchauffe => Augmentation des impôts => Excédent budgétaire et baisse de la demande => Fin de la surchauffe et retour à l’équilibre budgétaire.
Quel est l’intérêt de cette notion de “stabilisateurs automatiques” ? C’est de montrer que l’apparition d’un déficit conjoncturel ne doit pas amener les autorités économiques à réagir immédiatement en diminuant autoritairement la demande des agents pour revenir à l’équilibre budgétaire. Les pouvoirs publics doivent éviter de prendre des mesures rigoureuses car le budget revient automatiquement à l’équilibre. Dans une conjoncture difficile, le budget déficitaire sou tient la demande ; on dit qu’il joue un rôle contra-cyclique (son action sur la demande est opposée à l’effet négatif de la conjoncture).
2.2 Les effets négatifs de la politique budgétaire
La politique budgétaire est l’objet de trois grandes critiques.
2.2.1 La première critique est liée à l’ouverture des économies aux échanges internationaux. Une politique de relance économique fondée sur un déficit budgétaire risque de favoriser les entreprises étrangères, les nouveaux revenus distribués enclenchant le mécanisme du multiplicateur au profit des seuls agents économiques étrangers. C’est une manifestation de la contrainte extérieure.
2.2.2 La deuxième critique correspond au problème du financement du déficit budgétaire. S’il est financé par création monétaire, il y a un risque d’inflation. S’il est, en revanche, financé grâce à des emprunts auprès des agents économiques, se pose Je problème de l’effet d’éviction. L’effet d’éviction est un phénomène qui conduit l’activité du secteur public à supplanter celle du secteur privé. Dans le cas d’un déficit budgétaire, le recours à l’emprunt provoque un déplacement des ressources d’épargne disponibles vers le secteur public au détriment des autres agents économiques. Le résultat de cet effet est une hausse des taux d’intérêt; les taux d’intérêt augmentent car la demande de capitaux s’accroît, les pouvoirs publics devant aussi proposer une meilleure rémunération pour attirer de nouveaux épargnants. La conséquence de ce phénomène est que les dépenses des agents économiques sensibles aux taux d’intérêt (investissements) sont freinées. L’effet d’éviction provoque un ralentissement de l’activité économique. Remarquons toutefois que ce mécanisme n’a jamais été véritablement démontré, bien d’autres causes (niveau souhaité des taux de change par exemple, lorsqu’il s’agit de respecter un accord international de change) influençant le niveau des taux.
2.2.3 Une dernière critique importante de la politique budgétaire, liée elle aussi au financement d’un déficit, concerne le problème de la dette. Plusieurs années de déficits budgétaires peuvent conduire à une accumulation de la dette publique (en cas de financement par l’emprunt). Un risque important apparaît alors, celui d’un “effet boule de neige” de la dette. Il s’agit du cercle vicieux suivant: une dette importante implique le versement d’intérêts considérables aux épargnants créanciers de l’État; le poids de ces intérêts, qui sont une charge, c’est-à-dire une dépense du budget, aggrave le déficit et conduit à un nouvel endettement public qui, à son tour, conduira à un niveau d’intérêts encore plus important, etc.