I : Le fonctionnement théorique des marchés
Ce prix de vente correspond au prix des biens pour le marché des biens et des services, aux cours boursiers pour le marché des titres financiers, aux salaires pour le marché du travail et aux taux d’intérêts pour le marché monétaire.
En théorie, les lois du marché ne peuvent réellement fonctionner que dans le cadre d’une concurrence pure et parfaite.
Nous commencerons par expliquer le mécanisme théorique de la loi de l’offre et de la demande et caractériserons ensuite la notion de concurrence pure et parfaite.
la loi de l’offre et de la demande :
En abscisse, on porte la quantité donnée d’un bien quelconque. En ordonnée, on porte le prix de ce bien. On peut imaginer les quantités qui seraient offertes par les producteurs pour différents prix et représenter par un point chaque combinaison prix-quantité. On obtient ainsi un tracé du type de la courbe O. On constate que cette courbe est forcément croissante puisque les quantités offertes augmentent lorsque le prix augmente. En procédant de la même façon pour les quantités demandées, on obtient un tracé décroissant du type de la courbe D.
Dans l’hypothèse d’un marché concurrentiel, le prix est librement déterminé entre les offreurs et les demandeurs jusqu’au moment où l’offre est égale à la demande. Dans cet exemple on voit qu’il n’existe qu’un seul prix (P1) correspondant à une équivalence entre l’offre la demande. Ce prix est qualifié de « prix d’équilibre ».
On dit qu’il s’agit d’un prix d’équilibre car la fixation de tout prix plus faible ou plus élevé enclenche un mécanisme d’ajustement automatique qui ramène en P1. Par exemple, un prix fixé en P2 entraîne une offre excédentaire par rapport à la demande. Dans ce cas, les producteurs ne parviendront pas à écouler tous leurs produits à ce prix. La concurrence entraînera alors une baisse des prix jusqu’en P1. Si au contraire le prix est fixé en P3, il y aura une demande excédentaire par rapport à l’offre. Cet excès de demande permettra aux producteurs de monter les prix jusqu’en P1.
Dans le cadre d’une concurrence pure et parfaite, la loi de l’offre et de la demande correspond donc à un mécanisme d’ajustement automatique des prix.
Le » credo libéral » se fonde largement sur la croyance dans les vertus des lois du marché pour la régulation automatique de l’économie ( voir le concept de « main invisible » d’Adam Smith) .
La loi de l’offre et de la demande est censée s’appliquer sur tous les types de marchés :
- Sur le marché du travail (rencontre entre l’offre de travail en provenance des salariés et la demande de travail en provenance des employeurs) — le prix du travail (salaire) résulterait donc d’un ajustement automatique.
Toutefois, l’application parfaite des lois du marché suppose que les conditions de réalisation de la concurrence pure et parfaite soient remplies.
La concurrence peut-elle être réellement pure et parfaite ? Cette notion n’est-elle pas utopique ? La loi de l’offre et de la demande ne correspond-t-elle pas finalement à une modélisation abstraite parfois bien éloignée de la réalité ?
II : La notion de concurrence pure et parfaite
La concurrence parfaite n’existe pas dans la réalité, elle correspond toutefois un schéma idéal que les économistes ont tracé. Cette notion ne doit donc être conçue qu’en tant que base de raisonnement.
Ce schéma idéal se caractérise par la réunion de 5 éléments :
1er élément : l’atomicité
L’atomicité d’un marché se caractérise par la présence d’un grand nombre d’offreurs et de demandeurs. Ces offreurs et ces demandeurs doivent être de taille réduite ( « atomes »). On dit qu’il y a atomicité d’un marché lorsque aucun agent du marché (acheteur ou vendeur) ne peut, par sa seule action exercer une influence sur les conditions du marché.
En bref, cela signifie qu’un seul acheteur ou un seul le vendeur ne peut, par sa seule action, faire baisser le prix du marché. Par exemple, si un seul acheteur décide de doubler sa consommation journalière de sel, cela représentera une « goutte d’eau dans la mer », et le prix du sel ne baissera pas. Inversement, si un seul vendeur de sel décide de monter ses prix, cette variation n’aura aucune influence sur le prix global du sel. Ainsi, aucun vendeur ou acheteur ne représente un poids suffisant pour influencer les conditions du marché et notamment le prix d’équilibre. Cette situation d’atomicité suppose l’absence totale de monopole, l’absence totale d’entente entre les groupes d’entreprise, l’absence de position dominante. Le prix correspond donc un prix d’équilibre déterminé par le marché et ce prix s’imposera à tous les agents, qu’ils soient consommateurs ou producteurs.
Si l’on prend l’exemple du marché du travail, la concurrence pure et parfaite se caractériserait par le fait qu’aucun travailleur ou groupes de travailleurs ne pourrait prendre de décisions susceptibles de modifier sensiblement la quantité globale de travail disponible est donc le salaire d’équilibre — cela suppose donc l’absence de syndicats ou de groupes de pression ! ! !
2° élément : L’entrée libre sur un marché
Dans cette hypothèse l’accès des offreurs ou des demandeurs sur un marché doit être totalement libre. Toute réglementation imposant des conditions préalables à l’exercice d’une activité est donc exclue. On devrait pouvoir librement créer une pharmacie, par exemple ! !
3° élément : l’homogénéité
Tous les produits offerts sur le marché doivent être comparables ou homogènes. En d’autres termes chacune des unités proposées par les offreurs doit être totalement interchangeable. Curieusement, cela suppose l’absence de publicité et cela suppose aussi que les vendeurs ne pratiquent pas une politique de différenciation des produits.
Pour en faire une application au marché du travail, cela supposerait que les employeurs soient indifférents à la personnalité des travailleurs. De ce point de vue, un employeur n’établirait pas une relation avec un travailleur mais se contenterait d’acheter des heures de travail en étant indifférent au fait que ces heures soient effectuées par tel ou tel..
En cas d’absence d’homogénéité, les lois du marché se trouvent donc remises en question parce que l’offre et la demande ne sont plus seulement fonction du prix mais de toutes les caractéristiques qui sont susceptibles de différencier chaque unité échangée sur le marché.
4° élément : La transparence des marchés
La transparence d’un marché se caractérise par une parfaite circulation de l’information sur les conditions du marché. Cela signifie qu’à tout moment, les acheteurs doivent pouvoir connaître l’ensemble des prix pratiqués par les entreprises. De même, cela suppose que les producteurs puissent connaître à tout moment les conditions de prix et de production de leurs concurrents.
De ce point de vue, la concurrence ne peut jouer que si, à chaque instant, tout le monde connaît les prix proposés et les quantités offertes ou demandées par tous les autres agents. Tout événement susceptible de modifier les conditions d’échange est aussitôt connu partout le monde ! ! . Ceci paraît assez peu réaliste.
5° élément : La parfaite mobilité des facteurs
Les agents et les biens doivent pouvoir librement circuler. Dans l’absolu, la concurrence parfaite suppose que n’importe quel acheteur ne soit pas gêné par la distance géographique, les frais de transport, les habitudes commerciales, etc…. pour entrer en contact avec n’importe quelle vendeur. Par ailleurs le processus concurrentiel suppose que les entreprises puissent continuellement déplacer les facteurs de production d’un produit pour pouvoir s’adapter aux variations de la demande. Encore une fois, si l’on fait une application au marché du travail, cela supposerait que les employeurs puissent déplacer d’une activité à une autre n’importe quel volume d’heures de travail ou de salariés, et cela de manière instantanée !
En conclusion, nous pouvons dire que le modèle de concurrence pure et parfaite est considérablement éloigné de la réalité. Notons tout de même que sur le marché des capitaux la concurrence est presque parfaite. Par contre, sur le marché des biens et des services ou sur le marché du travail, les lois du marché ne peuvent, tout au plus, que refléter quelques tendances. Il est vrai, par exemple, qu’en période de chômage les salariés subissent une pression à la baisse des salaires. Il n’en demeure pas moins que le fonctionnement global et concret des marchés s’écarte considérablement de cette modélisation.